TRIBUNE. Loin de sa volonté affichée de sanctionner plus durement les atteintes à l’environnement, l’Etat instaure des délits « inopérants parce qu’inapplicables », estiment dans une tribune au « Monde » Clara Gonzales et Laura Monnier, juristes à Greenpeace France.
Par Clara Gonzales et Laura Monnier, 09.023.2021 (abonnés)
"Tribune. Les annonces en grande pompe des ministres Barbara Pompili et Eric Dupond-Moretti, en novembre 2020, sur la création d’un délit « d’écocide » ont suscité un certain espoir de voir enfin concrétisées les demandes des associations environnementales pour une meilleure effectivité du droit pénal de l’environnement.
Souffrant d’une « dépénalisation de fait », selon les termes de François Molins, procureur général près la Cour de cassation, le droit pénal de l’environnement doit être étoffé de délits généraux afin de réprimer les atteintes environnementales les plus fréquentes et dommageables, sans dépendre des mises en demeure de l’administration. A cet égard, il serait légitime de s’attendre à ce que de tels délits soient, en pratique, applicables.
Mais, au lieu de mettre en œuvre ses obligations, l’Etat – condamné le 3 février pour faute par le Tribunal administratif de Paris pour son inaction climatique – opte encore une fois pour une logorrhée législative, en proposant d’instaurer des délits inopérants dans le titre « Renforcer la protection judiciaire de l’environnement » du projet de loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique.
Propositions d’améliorations concrètes
Une attitude d’autant plus révoltante que les demandes et recommandations d’experts, notamment de France Nature Environnement, existent de longue date. Nos expertises ont été mises au service de l’exécutif et du pouvoir législatif à de nombreuses reprises, avec à chaque fois des propositions d’améliorations concrètes. Des rapports officiels ont été produits : en 2015, Laurent Neyret, professeur de droit et l’un des pères de l’écocide, remettait à la garde des sceaux, Christiane Taubira, un rapport préconisant l’adoption de nouveaux délits généraux ; le 30 janvier 2020 était publié un nouveau rapport d’évaluation de la justice environnementale, commandé par les ministres de la justice et de la transition écologique, qui reprenait ces propositions concrètes. Lors de la présentation du rapport à l’Assemblée nationale, l’un des auteurs a rappelé : « C’est le troisième rapport du même (...)"
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