« Dans son essai intitulé «Combler les silences de l’histoire africaine. Ou comment des artistes visuels s’approprient des archives photographiques pour éclairer le passé à la lumière du présent », Érika Nimis « aborde le travail de trois artistes qui créent en investissant des fonds photographiques ignorés ou oubliés, voire même inaccessibles, dans trois pays africains à l’histoire complexe faite de violences et de silences ».
Le premier est Santu Mofokeng d’Afrique du Sud qui, dans The Black Photo Album/Look At Me: 1890-1950 (1994-1999), «présente une série de portraits de familles noires sud-africaines pris dans des townships au tournant du 20e siècle, [...] » (...) ce projet vise, en réunissant ces images effacées des mémoires, à «mieux saisir les enjeux de cette époque où l’Afrique du Sud s’employait à légitimer un système politique raciste». Il permet ainsi de « rappeler la politique de l’image qui prévalait [alors] quant à la représentation des populations noires. »
Le deuxième est Sammy Baloji, de République démocratique du Congo, qui, depuis 2003, «réalise un travail photographique sur l’héritage historique, industriel et architectural de sa région», Lubumbashi, capitale minière du Katanga. Dans la série Mémoire (2004-2006), il insère dans des photomontages en couleur sur le patrimoine industriel de Lubumbashi, des portraits en noir et blanc provenant d’un fonds d’archives (de) l’Union Minière du Haut-Katanga, créée (...) par les colonisateurs belges.» [...] (Il) se donne comme mission, dans une démarche d’artiste-historien, «de faire revivre ces archives coloniales dans une nouvelle dimension contemporaine qui s’entrechoque avec les réalités du passé. »
La troisième artiste est Zineb Sedira. Née en France de parents algériens, elle vit et travaille à Londres depuis 1986. «Après avoir sondé son passé familial, Zineb Sedira s’emploie depuis quelques années à “re-créer” les archives de l’histoire coloniale de l’Algérie, qui font bien souvent défaut, suite à la guerre d’indépendance menée contre la France (...) ». En 2010, elle réalise «une installation vidéo, Gardiennes d’images, consacrée au photographe algérien Mohamed Kouaci, resté dans l’ombre jusqu’à sa disparition en 1996, mais dont les œuvres se retrouvent partout, sur les timbres, sur les fresques murales dans l’Algérie postindépendance. (...) » [...]
Dans leur volonté de connecter passé et présent à partir «des archives souvent délaissées ou ignorées », ces artistes renouvellent « la manière dont l’histoire s’écrit et favorise[nt] sa transmission aux générations futures. » Comme en témoigne la démarche de ces trois artistes africains, la dimension de la mémoire, souvent liée à une quête identitaire aussi bien collective qu’individuelle, occupe une place importante dans la pratique artistique contemporaine. [...] »
> Extraits de l’introduction de « Archives et création: nouvelles perspectives sur l’archivistique », compilant plusieurs articles parmi lesquels celui d’Érika Nimis (p.27-42), à retrouver en intégralité en cliquant sur https://lc.cx/4wvG
>> Illustration : Sammy Baloji (source: www.kvs.be/fr/productions/m%C3%A9moirekolwezi)