ARTISTE | Si la vérité était une femme … Entretien avec Euridice Kala   | Art africain contemporain | Scoop.it

« Contemporary And a rencontré l’artiste mozambicaine Euridice Kala avant son départ pour Dak’art 2016. » 

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 « C& : Ton travail Will See You in December…Tomorrow raconte une conversation avec ton grand-père au sujet de ses souvenirs du Mozambique colonial. Quel effet cela a-t-il eu sur toi ? […] 


EK : Ma relation avec mon grand-père (Armando Arrone) fait partie de celles qui m’ont accompagnée au fil des années. Nous avons toujours été proches : […] il me racontait des histoires sur le Mozambique colonial. […] Notre constitution et nos lois ont mis du temps à évoluer – comme la dépénalisation de l’homosexualité qui fut seulement adoptée en 2015. Ou les lois sur le viol qui permettent de décriminaliser l’agresseur s’il se marie avec la victime. Ou encore, et surtout, les développements récents concernant le droit familial qui, jusqu’à très récemment, était régi par l’église catholique. 

Ce sont des lois obsolètes, adoptées à l’époque coloniale, qui imprègnent encore mon quotidien de femme mozambicaine et qui me donne un bon aperçu de l’époque coloniale. Le travail Will See You in December…Tomorrow (WSYDt) reflète ces liens avec notre histoire coloniale et explore ce qu’inconsciemment nous nous sommes approprié ou avons adopté dans nos constructions nationales. […] Les histoires que je raconte remettent en question les archives de ces canons occidentaux – elles veulent intervenir dans ces archives, les élargir afin de construire de nouvelles articulations en rapport avec nos vies actuelles. 


 C& : Tu travailles non seulement comme artiste, mais également comme commissaire d’exposition et comme chercheuse, notamment pour la plateforme PAN!C. Quel est ton regard sur les collaborations et les réseaux dans le domaine culturel ? 


EK : La création artistique est difficile partout, et particulièrement sur le continent africain. Mon premier réflexe est d’être artiste et de garder l’esprit libre autant que possible, mais lorsqu’on est une jeune femme noire venant d’Afrique (à l’exception peut-être de l’Afrique du Sud et du Nigeria), c’est vraiment très difficile. Au Mozambique, il n’existe pas de structures pour soutenir les artistes. C’est pour cette raison que je suis partie vivre en Afrique du Sud où j’ai accepté un poste au sein du réseau représentant les arts visuels en Afrique du Sud […] 

Ici, j’ai pu lancer des programmes, comme PAN!C, qui ont pour objectif de stimuler la production artistique et sa circulation à travers le continent. […] J’ai appris que la diversité devenait possible lorsqu’il y a du partage et de la participation. J’en ai plus qu’assez de cette représentation homogénéisée de l’Afrique et de la culture africaine – de cette uniformité superficielle autour de l’usage d’un certain tissu (le capulana) pour les tendances de la mode, des cheveux naturels ou encore de l’afrobeat etc. […] 


C& : Que comptes-tu explorer cette année à Dak’art ? 


EK : Mon installation Supõe Se a Verdade Fosse Uma Mulher_ E Porque Não? [Si la vérité était une femme – Et pourquoi pas ?] tisse des liens entre l’esclavage et l’époque coloniale, avec la présence d’éléments tels qu’une robe blanche de mariée et un mur blanc. Ce travail interroge le concept de blanchité, notamment à travers l’idée de pureté, en proposant un tableau des différentes ressources du continent qui sont de couleur blanche – l’ivoire, le coton, la poudre… 

Il y est aussi question de l’époque actuelle, des combattants de la lutte africaine – à travers la construction du héros unique –, et du fait que les archives devraient mettre en valeur les noms d’autres personnes, de leurs épouses par exemple, et s’ouvrir à de nouveaux contenus pour nous permettre d’écrire nos propres histoires. » 


 > Extraits de l’entretien mené par C& avec Euridice Kala publié sur contemporaryand.com à retrouver en intégralité an cliquant sur le titre ou sur http://bit.ly/22g5eGD