ENTRETIEN | "Parler au monde", conversation avec l’artiste Heba Y. Amin | Art africain contemporain | Scoop.it

L'artiste égyptienne est interrogée par Contemporary And au sujet de la communauté artistique égyptienne post-révolution, du hacking culturel sur Homeland et de son travail Speak2Tweet pour l'édition 2016 du Dak’Art.


"C& : La communauté artistique a été très impliquée dans la révolution égyptienne et vous y avez pris part à divers niveaux. Comment décririez-vous la situation au Caire cinq ans plus tard ?


Heba Y. Amin : Malheureusement, sur le plan du collectif, nous nous trouvons dans une position très difficile. La liberté d’expression est soumise à une répression extrême. Nous vivons dans un contexte de peur, de paranoïa et personne ne sait quelle attitude adopter dans l’espace public, ce que l’on peut dire ou ne pas dire sur Internet et les médias sociaux. Il y a un retour de l’agitation qui rappelle en quelque sorte la période du tout début de la révolution. […] 

[…]

C& : Pour rester sur le sujet de la politique, dites-nous en un peu plus sur votre collectif Arabian Street Artists qui a piraté la série de télévision Homeland ? 


HYA : […] Ils filmaient la cinquième saison de la série Homeland à Berlin. L’une des intrigues de la saison [...] traite du thème des hackers et des dénonciateurs dans le contexte de la « crise » migratoire. Ils avaient construit le décor d’un camp de réfugiés syriens au Liban et cherchaient des artistes graffeurs pour le décorer avec des graffiti arabes « authentiques ». J’avais tout d’abord refusé cette offre parce que je boycottais la série. Mais avec Caram Kapp et Don Karl, nous avons décidé d’utiliser cette opportunité pour faire une déclaration s’opposant à la série. 


Après quelques rencontres avec l’équipe, il nous est apparu clairement qu’ils n’avaient fait aucune recherche, que même les références qu’ils utilisaient étaient alignées sur la position du président syrien […] nous avons découvert que ce que nous écrivions n’intéressait personne, qu’il ne s’agissait là que d’une décoration pure et simple. Nous avons saisi cette opportunité pour […] jouer avec le contenu de nos graffiti pour critiquer la série. Trois mois plus tard, l’épisode a été diffusé avec des graffiti comme « Homeland est raciste », « Homeland est une blague », « 1001 calamités » […]. Lorsque nous avons été certains que nos graffiti avaient été diffusés, nous avons publié une déclaration concernant notre acte subversif sur mon site web et, au bout d’une heure sur les médias sociaux, cela a circulé tel un virus. Nous avons été contactés par des médias du monde entier. […]

 […]

C& : Pour finir, dites-nous-en un peu plus sur votre projet de série numérique Speak2Tweet. 


HYA : Project Speak2Tweet est un projet sur lequel je travaille depuis plusieurs années. Il a pour base une plate-forme qui a émergée en 2011 lorsque la révolution a démarré en Égypte. À ce moment-là, la jeunesse révolutionnaire mobilisait les gens à travers twitter et facebook et lorsque l’Internet a été fermé, […] un groupe de programmeurs a développé une plate-forme appelée Speak2Tweet. Elle permettait aux gens d’utiliser un téléphone mobile standard pour appeler un numéro de téléphone spécifique et laisser un message vocal. Les fichiers son étaient automatiquement postés sur twitter […]. 


J’étais en Allemagne au moment où la plate-forme a émergé. […] C’est à travers cette plate-forme que j’ai commencé à réaliser la puissance incroyable de l’utilisation des médias numériques de manière non traditionnelle. […] J’ai commencé un projet qui utilise les messages individuels et les juxtapose à des séquences d’une ville abandonnée. […] Je me sens aussi en quelque sorte responsable de rendre ces informations à nouveau publiques et facilement accessibles. […] J’expose Project Speak2Tweet à cette édition du Dak’Art. [...] Il révèle les multiples strates narratives qu’il comporte, en fonction de l’endroit où je l’expose et du lien qu’ont les gens avec l’expérience de la révolution égyptienne, étant donné que c’est un événement dont le monde entier a été témoin."


> Extraits de l'entretien mené par C& publié sur contemporaryand.com à retrouver en intégralité en cliquant sur http://bit.ly/1UrjDfR ;